Les suivis d’abondance de faune
Les études réalisées et en cours
Les suivis d’abondance de faune
Les abondances de faune sont estimées pour une vingtaine d’espèces par la méthode des transect linéaires : un échantillonnage est effectué en parcourant de nombreuses fois des layons balisés et mesurés, et en notant systématiquement les espèces observées, leur nombre, leur localisation précise. Si l’ensemble des animaux présent ne peut bien évidemment être « compté », un « indice kilométrique d’abondance », qui correspond au nombre d’observations de chaque espèce réalisé en moyenne par 10 kilomètres parcourus, permet de comparer les différents sites prospectés, ou de voir si les abondances évoluent sur un même site au cours du temps. Cette méthode concerne les espèces diurnes essentiellement, et assez régulièrement observées. Nos résultats englobent tous les primates, les ongulés forestiers (biche et cariacou), les gros rongeurs (agouti, acouchi), et les gros oiseaux terrestres qui se déplacent peu (Hocco, agamis, tinamous). D’autres espèces plus rarement observées (félins, tapirs, carnivores en général) sont notés, mais ne peuvent rentrer dans ces estimations.
Actuellement, 41 sites sont documentés, en partenariat avec l’ONF, le Parc amazonien de Guyane et les Réserves naturelles, dont 30 ont été échantillonnés une seule fois, pour effectuer une analyse comparative des différents milieux forestiers (programme « Habitat », en partenariat avec l’ONF), et 11 sont échantillonnés régulièrement pour effectuer un suivi temporel des abondances (en zone sud par le Parc amazonien de Guyane, et en zone littorale sous financement DEAL). Ces sites ont été choisis pour leurs situations contrastées : 14 sites sont soumis à une pression de chasse plus ou moins importante, alors que 27 sont considérés comme non chassés. Les Réserves naturelles (RN Nouragues, RN Trinité, RN Mont grand Matoury), ainsi que des associations naturalistes effectuent également ce type de suivis régulièrement, apportant des compléments pour certaines zones ou espèces. Le travail en réseau, avec des méthodes comparables, et sur le long terme est indispensable pour comprendre l’évolution des abondances de grande faune en Guyane.
Influence de la pression de chasse sur la faune
Un premier résultat est de mettre en avant les espèces les plus impactées : leurs abondances sont très significativement réduites dans les zones chassées (en rouge, moyenne pour 25 sites chassés) par rapport aux zones non-chassées (en vert, moyenne sur 12 sites). Les grands primates et les gros oiseaux terrestres payent le plus lourd tribut. Les plus grandes espèces sont à la fois les plus recherchées par les chasseurs, les plus faciles à détecter, et les plus vulnérables du point de vue de leur dynamique de population (faible taux reproducteur).
Evolution des abondances de pécari à lèvres blanches en Guyane
Les pécaris à lèvre blanche sont connus pour leur présence irrégulière, apparaissant et disparaissant parfois pendant de nombreux mois des zones prospectées par les chasseurs. En plus de ces variations ponctuelles et locales d’abondance, des phénomènes d’« extinction » à beaucoup plus large échelle ont souvent été rapportés dans la littérature provenant de presque tous les pays du bassin amazonien. Ces brusques chutes d’effectifs sont parfois suivies d’un recouvrement progressif ou d’extinction des populations. Le Peccary Specialist Group de l’UICN mène à l’heure actuelle une compilation de ces témoignages.
La Guyane a été le témoin de l’une de ces spectaculaires variations d’effectifs qui a pu être suivie à travers nos divers programmes d’étude et de suivi menés depuis plus de 10 ans dans tout le territoire, grâce à diverses collaborations. Deux indicateurs ont été utilisés : les proportions de pécaris à lèvre blanche dans les tableaux de chasse (graphique du haut), et les indices d’abondance par transect linéaire (graphique du bas). Ces deux indices permettent de situer une période de forte abondance de l’espèce au début des années 2000, puis une diminution progressive sur tous les sites prospectés par les chasseurs ou lors des comptages. Dans la période 2009-2010, aucun pécari n’a été vu lors de 9 opérations de comptage disséminées sur le territoire. Depuis 2010 des témoignages divers commencent à rapporter à nouveau des observations éparses de groupes de pécaris en diverses zones de Guyane. Nos indicateurs de suivi confirment cette réapparition progressive de l’espèce sur le territoire, à la fois dans les tableaux de chasse des populations du Parc Amazonien et dans 3 des 11 missions de comptage menées entre 2011 et 2012. Cette tendance, si elle se maintient, confirmerait l’hypothèse d’une dynamique de population cyclique particulière à cette espèce. La base de ce cycle serait de 10-12 ans, ce qui est parfois évoquée dans la littérature ainsi que dans les mémoires orales des populations autochtones, et est étayée par des études ethnoécologiques menées depuis plus de 20 ans en Guyane. Les hypothèses pour expliquer ces fortes variations sont soit d’origine interne, par exemple des épidémies de maladies létales ou affectant le potentiel reproducteur, soit d’origine externe comme la sur-chasse, des périodes de restriction alimentaire forte (productions fruitières) et/ou d’inondations sévères.